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A la recherche du paradigme

  • Photo du rédacteur: Marie
    Marie
  • il y a 7 jours
  • 5 min de lecture

Introduction


Nous avons pris l’habitude de soigner les symptômes sans jamais vraiment nous attaquer au mal lui-même.En médecine, quand une maladie chronique, digestive, articulaire ou une dépression se manifeste, on apaise la douleur avec des médicaments, mais on sait bien que ses causes sont ailleurs : dans le stress, le mode de vie, l’alimentation, la sédentarité.

Il en va de même pour notre société.Les crises économiques, sociales, écologiques, psychiques que nous traversons sont les symptômes d’un mal plus profond que nous avons du mal à nommer. Et plutôt que d’aller voir ce qui se trouve derrière ces symptômes, nous préférons, collectivement, les faire taire.

On éteint le signal d’alarme, et parce qu’on ne l’entend plus, on se raconte que la cause a disparu.

Pourtant, si l’on veut vraiment comprendre ce qui nous arrive, il faut accepter de s’approcher de ce qui semble trop vaste, trop complexe, trop enfoui : ce que l’on appelle un paradigme.


1. Une crise de civilisation, pas seulement une crise économique


On parle volontiers aujourd’hui de « crise » :économique, politique, sociale, écologique, idéologique…

En réalité, ces dimensions ne sont pas séparées.Nous faisons face à une crise de civilisation : notre manière même d’habiter le monde arrive à ses limites.

Les scientifiques nous rappellent que le temps est compté. Si l’on reprend l’image de l’« horloge de l’humanité », il serait déjà 23h57 — trois minutes avant la fin symbolique de la partie.Autrement dit : il ne s’agit plus d’un malaise passager, mais d’un tournant.

La question n’est plus seulement :

Comment atténuer les dégâts ?

Mais :

Comment changer le cadre qui produit ces dégâts ?

C’est là qu’entre en jeu la notion de paradigme.


2. Qu’est-ce qu’un paradigme ?


Un paradigme, c’est comme une paire de lunettes que l’on porte en permanence sans s’en rendre compte.

On regarde le monde à travers ces verres :

  • ce qu’ils laissent passer nous paraît « naturel », « évident », « normal » ;

  • ce qu’ils filtrent nous devient invisible, impensable, presque impossible.

Un paradigme n’est pas une théorie que l’on choisit consciemment.C’est un ensemble de présupposés, de valeurs, de réflexes intellectuels et affectifs qui structurent notre perception du réel.En Occident, beaucoup de ces présupposés remontent à plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires.

Ces lunettes sont :

  • culturelles : propres à notre histoire, nos institutions, notre imaginaire ;

  • inconscientes : nous ne les voyons pas, nous voyons à travers elles ;

  • résistantes : elles survivent aux changements de mode, de régime politique, de technologies.

Changer de paradigme, c’est donc beaucoup plus qu’adapter notre société à de nouveaux enjeux :c’est modifier notre manière de voir ce qu’est un être humain, ce qu’est la nature, ce qu’est le progrès, ce qu’est une vie réussie.

3. Pourquoi est-il si difficile de voir son propre paradigme ?

Mettre en évidence un paradigme, c’est un peu comme vouloir :

  • regarder un microscope tout en gardant l’œil rivé à l’oculaire ;

  • ou observer ses lunettes tout en les portant sur le nez.

C’est possible, mais délicat.

Quand nous regardons le monde, nous focalisons notre vision au centre de nos verres, là où tout est net. Les zones floues, à la périphérie, sont les événements, les phénomènes, les expériences que nos schémas habituels n’arrivent pas à intégrer :

  • des faits climatiques dérangeants,

  • des formes de souffrance sociale qu’on ne sait pas penser,

  • des formes de vie ou de solidarité qui ne rentrent pas dans nos catégories,

  • des intuitions spirituelles ou existentielles qu’on ne sait pas « ranger ».

Nous préférons, la plupart du temps, ajuster encore et encore nos lunettes,plutôt que de nous demander si ce ne sont pas elles qui limitent notre vision.

Pourtant, accepter de regarder ces zones floues du coin de l’œil, de les laisser nous troubler, est déjà un début de changement de paradigme.Cela suppose un geste inhabituel : renoncer, un instant, à la clarté rassurante pour accueillir ce qui dérange.

4. Symptômes majeurs : le climat comme fracture de nos lunettes

Le changement climatique est un exemple emblématique de symptôme que nos lunettes peinent à intégrer :

  • extinction massive des espèces,

  • déforestation,

  • dérèglement climatique,

  • épuisement des sols, des ressources,

  • fragilisation des milieux de vie.

Face à cela, plusieurs réactions se côtoient : déni, minimisation, relativisation, confusion.Pourquoi ? Parce que ces phénomènes contredisent frontalement le cœur de notre paradigme :

  • croissance infinie,

  • extraction illimitée,

  • primat du confort matériel,

  • croyance que la technique nous sauvera toujours à temps.

Le climat fait trembler nos lunettes.Et c’est précisément pour cela que certains penseurs – comme Pierre Rabhi, entre autres – parlent de nécessité de changer de paradigme.

5. Trois grandes lames de fond du paradigme occidental

Sans prétendre être exhaustive, tu proposes (dans ce texte) trois grandes « lames de fond » qui structurent le paradigme occidental moderne :

  1. Le capitalisme– comme mode d’organisation économique,– mais aussi comme manière de valoriser la compétition, l’accumulation, la rentabilité, la performance.

  2. Le matérialisme– héritier d’une certaine tradition philosophique,– qui considère la matière comme réalité première et exclusive,– et réduit le vivant à des mécanismes.

  3. La rationalité (et la dualité corps/esprit)– séparation cartésienne entre res cogitans (esprit) et res extensa (corps / nature),– survalorisation de l’abstraction logique par rapport au sensible, à l’intuitif, au relationnel.

Ces trois lignes se nourrissent les unes les autres.Elles ne sont pas universelles, mais nous y tenons comme si elles étaient la seule manière “adulte” de voir le monde.

6. Pourquoi avons-nous si peur de changer de paradigme ?

Changer de paradigme ne signifie pas seulement :

consommer un peu moins,recycler un peu plus,voter un peu mieux.

Cela touche à quelque chose de beaucoup plus intime :

  • notre idée du confort,

  • notre rapport à la sécurité,

  • notre sensation de maîtrise,

  • notre image de la réussite,

  • notre sentiment d’exception humaine.

D’où plusieurs réactions typiques :

  • la peur du manque : et si c’était “moins bien” ?

  • le nihilisme : si notre mode de vie est mauvais, alors tout est mauvais.

  • la nostalgie : tentation de revenir à un “avant” idéal qui n’a jamais existé.

  • l’aveuglement volontaire : continuer à jouer la partie comme si de rien n’était.

Or, comme tu le dis dans le texte original :

Ce n’est pas parce que les choses ne peuvent plus être telles qu’on les a connues qu’elles ne peuvent pas être autres.

Nous ne reviendrons pas en arrière.Mais nous pouvons inventer autre chose.

7. Poser les questions radicales

Pour mettre en lumière un paradigme, il faut parfois poser des questions simples mais radicales :

  • Est-ce qu’on veut sauver notre mode de vie, ou bien la vie tout court ?

  • Est-ce qu’on veut protéger le système, ou le vivant ?

  • Est-ce qu’on veut préserver la continuité de nos habitudes, ou l’habitabilité du monde ?

Posées ainsi, les réponses semblent évidentes.Mais si l’on observe honnêtement nos actes, nos politiques, nos institutions, force est de constater que nous continuons majoritairement à sauver le système, même lorsqu’il détruit les conditions de la vie.

Conclusion

Nous sommes arrivés à un point où soigner les symptômes ne suffit plus.La question du paradigme n’est pas un luxe de philosophes :c’est une question de survie, mais aussi de dignité.

Voir notre paradigme, c’est :

  • accepter de regarder les zones floues,

  • reconnaître que nos lunettes sont situées, partielles, historiques,

  • comprendre que d’autres visions du monde existent,

  • se donner le droit de réinventer nos manières d’habiter la Terre.

Changer de paradigme demandera du courage, de la lucidité, de l’imagination.Mais continuer sans rien changer, en croyant soigner les symptômes, est désormais la voie la plus risquée.


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